Cette Syntaxe traditionnelle en 60 tableaux n'est pas un traité de grammaire, ni même un abrégé.
Elle se limite à identifier et nommer les constituants de la phrase et à décrire comment ces constituants s'articulent entre eux, c'est-à-dire à énumérer les relations grammaticales qui les assemblent pour former l'« ossature » de la phrase.
On pourra y trouver quelques informations basiques concernant ces constituants mais on n'y trouvera ni la classification des verbes, ni les différentes conjugaisons, ni les règles de concordance des temps ou d'accord du participe passé, ni celles qui régissent les mots composés, encore moins les exceptions de toutes sortes et les subtilités d'usage ; on n'y trouvera rien sur le pluriel des noms et des adjectifs, la formation des adverbes ou les formes prises par les verbes irréguliers... Bref, rien de ce qui constitue l'usage de la langue, sa richesse, sa souplesse, sa « chair ».
C'est en fait un « squelette » de grammaire, autrement dit un PRÉCIS DE SYNTAXE.
Pour oser une analogie avec les modèles anatomiques des amphis de médecine, on peut dire que cette Syntaxe est au Grevisse 1 ce que le squelette Oscar est à l'Écorché de Houdon 2.
La grammaire, comme la langue, n'est pas immuable. Née au XVIème siècle, la grammaire française s'est peu à peu « décantée » et formalisée. Au début du XXème siècle, elle atteint une certaine forme de maturité et son enseignement évolue peu pendant plus de cinquante ans. La grammaire enseignée dans cette période, désormais appelée « grammaire traditionnelle », a été remplacée dans les années 1960/70 par la « grammaire moderne », issue des théories linguistiques qui se sont fortement développées au milieu du XXème siècle.
À partir de la réforme de 1975, il devient difficile de s'appuyer sur des notions stables. La réforme apporte des nouveautés qui se mettent difficilement, progressivement et souvent partiellement en place dans l'enseignement : les groupes (groupe sujet, groupe verbal, groupe nominal), le complément de phrase (!) et surtout l'inénarrable COS (complément d'objet second), qui se maintient 22 ans avant de quitter en 1997 la terminologie officielle mais – malheureusement – pas tous les manuels... Enfin, la réforme de 2016 nous révèle, cerise sur le gâteau, le prédicat !
Inutile de dire à quel point les élèves, leurs professeurs et leurs parents (voire leurs grands-parents...) sont à la peine !
En 2019 il semble qu'on revienne à une vision plus « traditionnelle » de la grammaire (merci M. BLANQUER !) d'où sont bannies les innovations grotesques : les nouveaux programmes parus au BO du 26 juillet 2018 font disparaître les groupes (sauf le groupe nominal... pourquoi ?), le complément de phrase et le prédicat (ouf !) et rétablissent (avec plus ou moins de bonheur) nombre de notions abandonnées en 1975.
La Syntaxe traditionnelle en 60 tableaux, vous l'aurez compris, s'appuie sur les notions et le vocabulaire de la « grammaire traditionnelle ».
Elle n'a d'autre ambition que de permettre au jeune lecteur de clarifier et de simplifier des acquisitions parfois contradictoires qu'il aurait mal « digérées », ainsi qu'au lecteur moins jeune de revoir des notions connues mais qu'il aurait un peu oubliées. L'approche est ici totalement pragmatique voire primaire : c'est celle d'un simple amateur qui n'est pas grammairien, encore moins linguiste et qui souhaite ne jamais savoir ce que représentent les syntagmes, les critères distributionnels ou encore les axes sémantiques ; bref, qui n'a pas lu et ne lira jamais Chomsky 3 !
Les ouvrages de grammaire ou de syntaxe que j'ai eu l'occasion d'ouvrir présentent une structure claire mais arborescente qui, par nature, laisse peu de place aux approches transversales. La description des éléments similaires est généralement spécifique à chaque élément, si bien qu'il n'est pas toujours aisé de comparer entre elles leurs propriétés. Bref, ils traitent de leur objet sur un mode littéraire.
Le tableau a l'avantage de toujours proposer une vision transversale.
Si c'est un tableau de présentation, il fournit une vue « panoramique » en « croisant » lignes et colonnes sur le domaine concerné.
S'il s'attache à la description d'un élément, son formalisme standard permet aisément au lecteur de rapprocher les éléments comparables (p. ex. les pronoms entre eux ou les compléments du verbe entre eux).
Enfin les tableaux récapitulatifs, par leur transversalité, proposent souvent un regard inédit sur tel ou tel sujet.
Plus d'une fois, en les construisant, j'ai découvert un cas de figure dont je n'avais pas soupçonné l'existence.
Cette Syntaxe traditionnelle en 60 tableaux est résolument analytique. Les deux seuls éléments de la phrase dont il sera question ici, qu'on identifiera et dont on étudiera les relations, sont le mot et la proposition. On n'y trouvera donc pas la notion de groupe (et encore moins celle de prédicat !).
Partant du principe que « qui peut le plus, peut le moins », on laissera à l'utilisateur le soin de reconstituer, s'il le désire, les groupes à partir des éléments qu'il aura analysés.
Elle repose sur les notions de nature et de fonction :
chacun des mots et chacune des propositions de la phrase possède une nature et une fonction.
Cette Syntaxe, qui s'appuie essentiellement sur la terminologie grammaticale en usage de 1910 à 1975, s'inspire de divers traités et manuels de grammaire, en particulier du Grevisse. Pour autant, elle peut s'en écarter sur certains points.
a) L'apposition
La fonction de l’adjectif qualificatif imposant dans la phrase suivante : « L’homme, imposant, se dressa devant moi » fait l’objet de controverses quant à sa désignation : l’adjectif est analysé par le Grevisse comme une variété de l’épithète, appelée épithète détachée, alors que d’autres grammaires en font un adjectif apposé, sur le même plan que l’adjectif épithète ou l’adjectif attribut. Cette dernière interprétation me paraît plus logique : cette fonction de l'adjectif est de même nature que la fonction apposition du nom (« L’homme, un géant, se dressa devant moi »).
On retrouve d'ailleurs cette situation dans la fonction attribut qui désigne aussi bien l’adjectif que le nom : « Cet homme est imposant / Cet homme est un géant ».
Pour plus de simplicité et par homologie avec la fonction attribut, j’ai regroupé dans la même fonction apposition cette fonction de l’adjectif avec celle du nom et du pronom.
b) La subordonnée conjonctive
De nombreuses grammaires ont donné à la subordonnée conjonctive introduite par que (ou à ce que ou de ce que) le nom de : proposition subordonnée complétive. Cet avatar de la subordonnée conjonctive en assume donc toutes les fonctions à l'exception d'une seule : celle de complément circonstanciel ! À mon avis cette distinction n'apporte rien, si ce n'est une confusion entre la nature et la fonction des subordonnées...
c) Les subordonnées relatives
La proposition subordonnée relative est, elle, souvent affublée d’un qualificatif supplémentaire selon sa fonction par rapport à l’antécédent : elle est dite déterminative quand elle est complément de nom, explicative quand elle est en apposition et attributive quand elle est attribut. Pourquoi pas ? Sauf que cette pratique laisse à penser qu’il s’agirait d’une « sous-nature » de la relative et contribue – une fois de plus – à porter la confusion entre nature et fonction.
Il n’en est pas de même pour la relative sans antécédent appelée relative substantive dont la nature est, cette fois-ci, clairement différente de la relative avec antécédent. Dans cette Syntaxe, cette variété de la subordonnée relative est traitée quasiment comme une nature distincte.
d) Classification des subordonnées
Dans cet esprit (distinguer la nature de la fonction), je n'ai pas suivi le Grevisse lorsqu'il fonde
– je cite – « la classification des propositions subordonnées sur les fonctions qu'elles remplissent dans la phrase ». La classification des mots se fonde sur leur nature intrinsèque : classer les propositions sur un autre critère ne peut qu'apporter la confusion dans l'esprit du lecteur.
Les propositions subordonnées sont donc classées ici selon leur nature.
e) Le complément d'attribution
Enfin j'ai tenu à rétablir le traditionnel complément d'attribution, même s'il est parfois délicat de le distinguer du complément d'objet indirect ou du complément circonstanciel, et celà pour trois raisons : en premier lieu – par suite de la disparition du COS auquel il avait été assimilé – pour éviter « d'encombrer » ce fourre-tout qu'est déjà le complément d'objet indirect, ensuite pour préparer les germanistes et les latinistes en herbe à la rencontre du datif... et, peut-être aussi, je l'avoue, un peu par nostalgie.
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1 Le Bon usage (familièrement appelé le Grevisse) est une grammaire descriptive et prescriptive du français, publiée pour la première fois en 1936 par Maurice Grevisse, et périodiquement mise à jour depuis lors. Cet ouvrage est souvent considéré comme la Bible de la grammaire française.
2 Le sculpteur Houdon réalise en 1767, la sculpture de l'Écorché au bras tendu qui est « un chef-d'œuvre en tant que démonstration de virtuosité anatomique » au croisement de l'art et de la science.
3 Noam Chomsky est un linguiste américain. Professeur émérite de linguistique au Massachusetts Institute of Technology de 1955 à 2017, il fonde dans les années 50 la linguistique générative qui révolutionne le monde de la linguistique américaine et donne naissance à la grammaire générative transformationnelle. Tous les travaux actuels sur la grammaire se réfèrent aux travaux de Chomsky.